Une consultation de demande d'ALD comme les autres

Ce que je vais vous raconter est mon point de vue sur comment s'est déroulé la consultation avec mon médecin généraliste à propos de ma demande d'ALD 31. Je l'écris le soir même du rendez-vous, quelques heures se sont déjà écoulées et je pense que cela est suffisant. Je n'ai pas relu le texte, peut-être que je le ferai plus tard pour le corriger ou améliorer la mise en forme mais là, je n'en ai pas le courage.

À quelques minutes de l'heure indiquée pour le rendez-vous, je me précipite hors du HLM et m'élance dans la rue. Le cabinet n'est qu'à quelques dizaines de mètres, dans la pente de la rue perpendiculaire à celle où je me trouve. J'arrive donc dans la salle d'attente essoufflée, j'ai le temps de tooter mon appréhension, texter ma compagne puis le médecin arrive. Après des salutations pas nécessairement intéressante et une consultation pour un tracas vient le moment de demander l'ALD.

Pour vous donner un petit peu de contexte : mon médecin est un gaillard de droite qui avoisine les 2 mètres, assez large, allant sur ses soixante ans. Moi, j'ai 22 ans, je fais fais à peine plus d'un mètre soixante-dix, je me sens pas spécialement imposante bien que je puisse parler fort quand je suis emportée dans mon élan. C'est le seul médecin généraliste que j'ai connu jusqu'il y a 2 ans, il me suit depuis l'enfance. Autant vous dire que bien que je ne le porte pas dans mon cœur, c'est une sacré figure d'autorité.

Je commence donc par lui dire que j'ai besoin d'une ALD, il me regarde, étonné, puis me demande pourquoi. Je bafouille quelque chose du style « afin de couvrir les frais médicaux nécessaires… » il m'interrompt en me demandant ce que je peux bien avoir qui nécessite d'être pris en charge à 100%. Je recommence à bafouiller la même chose. Comprenez; ma phrase était prête dans ma tête quelques secondes avant qu'il me demande, face à la panique et l'effort lié à la situation, je suis incapable de sortir autre chose que la phrase stockée dans mon cerveau quelques instants plus tôt. Il m'interrompt de nouveau et répète encore deux fois ce que je rapporte plus haut. À ce moment là, je crois que mon regard est dirigé sur son bureau, j'ose à peine lui lancer quelques coups d'œil. Je crois lui avoir dit quelque chose comme « J'allais vous le dire mais vous me laissez pas finir ma phrase ». Il me met encore la pression pour que je lui dise. Je sais plus comment je l'articule mais je m'entends finir la phrase par « transidentité ». Il est surpri.

La suite est un peu chaotique, je ne me souviens pas forcément de tout dans l'ordre.

Il dit alors qu'il peut essayer d'en remplir une mais qu'il sait pas quoi mettre, je lui donne le papier où j'ai recopié les conseils du wiki de TP. Il y jette un œil rapide, commence à dire qu'il va faire une demande pour "troubles de la personnalité", ce à quoi je lui réponds que depuis 2006 ou 2009, je ne sais plus parce que les chiffres se ressemblent, la transidentité est reconnue. Il est totalement effaré, à ce moment je crois qu'il a déjà la fiche ALD entre ces mains, il se rend compte qu'il connaît pas mon adresse, je lui écris sur un post-it que je lui donne. Avant de commencer à remplir il semble avoir un sursaut, me dit qu'il n'est peut-être pas déclaré comme étant mon médecin traitant. Je ne sais pas si c'était une méthode pour esquiver la demande d'ALD, j'y ai pensé, en tout cas. Impossible de trancher sur la question. Après vérification de sa part, moi insistant que oui, je l'avais bien déclaré comme traitant et lui que « on croit souvent l'avoir fait puis on se rend compte que non » il confirme qu'effectivement, il est bien enregistré comme étant mon médecin traitant. Il commence alors à remplir la feuille, zappe un truc que je lui ai dit de ne pas recopier (il le raye après que je lui indique), me dit qu'en 32 ans de carrière il n'a jamais vu ça, me fait répéter que je suis sûr que "transidentité" est bien un motif accepté pour une ALD, tend la feuille que je lui ai donnée en me demandant si ça vient d'Internet. Sentant la méfiance sous-jacente dans la question je lui dis que ça vient d'une association qui a permis de créer un réseau d'échange d'informations et de conseils entre personnes trans. Il répète encore plusieurs fois son étonnement, en vient à la seule question intelligente que j'ai retenue de sa part : « est-ce que ta mère est au courant ? » (elle fait également partie de ses patient·e·s régulier·ère·s) ce à quoi je réponds par la négative. Il me demande ensuite depuis quand est-ce le cas, je sors « j'avais quelques prémicei il y déjà longtemps mais ça fait maintenant quelques mois que c'est vraiment le cas » ma réponse est aussi confuse que moi à ce moment là, je ne savais pas s'il était mieux de parler d'années ou d'utiliser un terme relatif comme longtemps. Du coup, j'ai pris la réponse relative un peu par dépit de la panique mentale dans laquelle je suis. Il m'interroge aussi sur qui va me prescrire l'hormonothérapie, je lui dit alors sans trop y croire que soit cela pourrait être lui soit un endocrino, il me répond évidemment immédiatement que non, lui il y connaît rien et qu'il faut voir un endocrino. Je lui dis qu'il y en a un à l'hôpital qui jouxte le quartier, il me regarde avec des grands yeux, je répète ma phrase, il répond alors quelque chose du goût de « mais tu crois qu'il s'y connaît/va savoir faire ça ? », un peu déroutée je lui dis que oui, pas mal d'endocrino le font et que c'est la procédure normale. À la fin de tout ça il me demande comment je vais le régler, ça le met de travers quand je lui répond en mentant que je n'ai pas mes moyens de paiement afin qu'il accepte de faire jouer le tiers-payant et je rajoute que j'ai également la CMU-C, je me sens même obligée de me justifier sur le coup. Il finit par me raccompagner à la sortie du cabinet en me souhaitant une bonne soirée.

Je remonte jusqu'à l'appartement où je loge cette semaine, arrivée là-haut je vais dans ma chambre, vérifie la demande d'ALD pour me tranquiliser et me rend compte qu'il n'a pas mis de durée de traitement ni « réguliers » après chaque spécialiste. Préférant être précautionneuse je sors en trombe et refait le trajet jusqu'au cabinet. J'arrive alors que lae dernier·ère patient·e est déjà parti·e. Le médecin est dans son bureau, j'attends qu'il se manifeste, je le vois tirer une tronche de trois pieds de longueur quand il me voit. Je lui résume le problème, au début il me dit que comme c'est une procédure renouvelable il ne met jamais de durée et que ça passe. Devant mon entêtement il finit par céder et rentre "3 à 5ans" puis après encore une nouvelle demande de ma part marque bien "régulier" pour tous les suivis de spécialistes. Me voilà tranquilisée, il me raccompagne de nouveau, prestement cette fois.

Je suis de nouveau dans la rue, prend le temps de remonter et passer un coup de fil.

Voilà, c'est fini. Inutile de dire que mon médecin n'est pas dans la BDD trans. Je vais donc devoir tester l'endocrino le plus proche en espérant qu'il ne demande pas de suivi psy, parce que j'en veux pas. Il me reste à poster la lettre contenant la demande d'ALD demain, prendre RDV dans 2 ou 3 semaines auprès de mon généraliste pour savoir s'il a reçu une réponse, puis prendre RDV avec le fameux endocrino.

Merci pour ta patience et ton attention. Merci de m'avoir lue. Que l'æther t'accompagne.